Le stage Recherche des Causes et des Circonstances des Incendies (RCCI), qui s’est déroulé à Valabre la semaine dernière, était l’occasion de rencontrer deux intervenants de l’agence DFCI (Défense des Forêts Contre les Incendies) à l’ONF (Office National des Forêts). Entretien avec Luc Venot et Marion Toutchkov sur le déroulé du stage et l’importance de ces recherches.
Interview de Luc Venot
Interview de Marion Toutchkov
Débute aujourd’hui une formation RCCI initiale, à destination de personnes qui n’ont pas encore beaucoup pratiqué sur le terrain ?
MT : Oui, il s’agit d’une formation coorganisée par l’ECASC en lien étroit avec l’ONF et la cellule RCCI locale des Bouches-du-Rhône sur financement de la DPFM.
Au programme des cours sur Valabre et sur le terrain ?
Sur la semaine, il y a une partie théorique et beaucoup de terrain. L’idée, c’est d’apprendre des méthodologies et de partager des acquis pour trouver l’aire, le point de départ et la cause du feu.
En effet, votre expérience est importante en appui de la base statistique de Prométhée et la mobilisation est forte dans les départements ?
Oui, depuis 1996 notamment, la volonté politique de déployer les cellules RCCI à l’échelle de tous les départements les plus concernés de la zone, avec un référentiel de formation adapté, a permis une très nette amélioration, à la fois du taux de feux enquêtés et de la fiabilité des causes trouvées.
Et aujourd’hui l’expertise des cellules, elle se fonde sur quoi ?
Notre expertise se fonde sur une méthodologie précise et rigoureuse, des outils bien normés et une expérience partagée. Les opérateurs doivent souvent pratiquer et c’est pour cette raison qu’il est important de ne pas trop diluer cette compétence de RCCI, qu’il y ait des cellules spécialisées et que ce soit eux qui aillent sur les feux, pour justement accroitre leur expertise.
Sans trahir vos méthodes, pouvez-vous nous en dire plus sur votre spécialité ?
Nous nous basons sur la méthode des preuves physiques, qui a été développée aux Etats-Unis puis par les collègues ibériques. Elle consiste à donner les clés d’analyse pour trouver le point de départ, en remontant la piste du feu. La méthode se décompose en plusieurs étapes, avec une phase de recueil de données et d’informations puis une phase de terrain. Une cellule RCCI peut se rendre sur le feu pendant ou après les opérations de lutte. Dans l’idéal, c’est le plus tôt possible, pour avoir en temps réel, l’avis et le témoignage des primo-intervenants et du premier COS.
Et préserver la « scène » de départ…
C‘est la base. Cela passe par une sensibilisation de tous les primo-intervenants pour préserver la zone avec de la rubalise et respecter certaines consignes, telles que ne pas utiliser le jet bâton ou de ne pas rouler sur la zone, par exemple.
Toujours la formation, vous réunissez des forestiers, des pompiers, des gendarmes ? pourquoi ces 3 compétences ?
Parce qu’ils ont des compétences complémentaires. Trouver le point de départ du feu, cela suppose un certain nombre de connaissances du fonctionnement biologique de la végétation et de sa réaction au feu. C’est sur la végétation, entre autres, qu’on peut lire le comportement du feu pour remonter l’histoire de l’incendie. Il faut également savoir comment les actions de lutte ont influencé la propagation du feu. L’apport conjoint du forestier et du pompier est donc crucial. Pour sa part, le gendarme gère l’enquête proprement dite et la recherche des auteurs, avec notamment la prise de prélèvements le cas échéant.
Rappelez-nous également la suite du parcours des stagiaires ?
Ils ont vocation à intégrer les cellules départementales, en renforcement des cellules existantes ou en remplacement des personnes qui partent. Ils ont vocation aussi à travailler ensemble. En formation, nous insistons sur la nécessité d’une émulation locale et c’est à chaque personnel de la cellule RCCI de faire valoir cela dans son service.
La RCCI c’est aussi une autre façon de faire de la dissuasion en direction des incendiaires ou des imprudents ?
Tout à fait, c’est important que l’ensemble de la population sache que l’on cherche toutes les causes de feux et que ça peut avoir des conséquences, notamment pénales, quand on trouve l’auteur. Les peines encourues peuvent être lourdes. Très régulièrement les auteurs sont condamnés.
Je ne peux pas avec vous évoquer la RCCI sans parler des mégots et de cette idée reçue du mégot qui ne mettrait pas le feu ?
Alors, bien sûr que le mégot met le feu à la forêt, c’est une cause avérée, démontrée et prouvée. c’est un vrai problème, notamment à proximité des voies de circulation. On retrouve des mégots avec le cône de propagation, on voit très bien le mégot pas bien éteint qui s’est consumé et qui a allumé les herbes autour. Comme la plupart des autres causes des feux de forêt, il s’agit d’une négligence qui aurait pu voire dû être évitée.